Alors que la politique économique des prochains mois est encore une équation à multiples inconnues, le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) vient de réaliser une première enquête-flash pour monitorer l'impact de la situation du pays sur l'activité des ETI. Les résultats de cette enquête menée du 11 au 17 juillet auprès de 1500 ETI sont particulièrement inquiétants : seules 6% des ETI déclarent maintenir avec certitude l’intégralité des investissements initiés ou prévus en France cette année.
Avant la dissolution de l’Assemblée nationale, 85% des ETI avaient initié ou s’apprêtaient à engager des investissements supérieurs à 2M€ en France. L’enveloppe associée s’élevait à 11M€ en moyenne et le nombre d’emplois générés à 50 en moyenne. Ces chiffres prometteurs traduisaient la confiance dans le site France qu’inspirait la stabilité de la politique de l’offre. L’Observatoire Trendéo observait ainsi une dynamique haussière de l’investissement des ETI en 2024, avec notamment 5Mds€ d’investissements annoncés au deuxième trimestre, un montant en hausse de 42% sur un an et de 18% au-dessus de la moyenne trimestrielle des trois dernières années.
Or, force est de constater que la donne politique actuelle a porté un coup de frein sec à cette dynamique : seules 6% des ETI ont la ferme intention de maintenir l’intégralité des investissements initiés ou prévus en France cette année. Pour la majorité, la pause s’impose : 60% des ETI ont à ce stade choisi de suspendre tout ou partie de ces investissements. La réduction ou la réorientation des enveloppes est elle aussi bien engagée : 55% des ETI annoncent les avoir réduites et 28% les avoir réorientées vers d’autres pays (en tout ou partie). Enfin, 12% des ETI ont d’ores et déjà choisi d’arrêter, pour partie au moins, leurs investissements.
Ces chiffres sont révélateurs de l’ampleur du choc pour les ETI, pourtant rompues aux aléas conjoncturels et particulièrement résistantes en temps de crise. Ces championnes du long terme, à la tête de pas moins de 125.000 implantations sur le territoire national, se trouvent comme paralysées par l’incertitude extrême qui caractérise la situation politique et les risques qui pèsent sur la ligne économique (politique de l’offre) et sur les réformes fiscales et sociales (redressement compétitif) poursuivies de façon transpartisane depuis plus de dix ans.
Ces risques sont d’autant plus redoutés que les ETI ont vu leur situation financière fragilisée sous l’effet conjugué du ralentissement de l’activité au niveau mondial et de la spirale inflationniste des deux dernières années. Alors que la rentabilité d’1 ETI sur 2 était en berne en juin, les ETI seraient bien en peine d’absorber de nouvelles hausses de coûts inspirées par des propositions dénuées de bon sens économique et qui ont par le passé démontré toute leur nocivité sur le tissu productif.
A cet égard, dans le cadre de notre enquête, les ETI ont été interrogées sur les conséquences d’une potentielle revalorisation du SMIC à 1600€ nets :
- Leur masse salariale augmenterait de 7% en moyenne ; pour 1/3 d’entre elles, cette augmentation serait égale ou supérieure à 10% ;
- Pour faire face à cette augmentation, 40% des ETI augmenteraient leurs prix à la vente, 24% diminueraient leur masse salariale et 14% réduiraient leurs OPEX ou CAPEX (N.B. Il s’agit du levier principal de réponse à l’augmentation des coûts). Enfin, 6% des ETI estiment qu’elles seraient incapables d’y faire face et que la pérennité de leur activité serait en jeu.
Alors qu’elles avaient commencé l’année avec une ambition marquée pour 2024, les ETI voient donc leurs perspectives pour le moins contrariées, et avec elles celles de toute une série de fournisseurs et sous-traitants pour lesquels elles jouent un rôle structurant au sein de la chaîne de création de valeur, notamment dans le secteur de l’industrie. Ce sont aussi leurs trajectoires de transformation volontaristes, en particulier s’agissant de la décarbonation de la production, qui concentraient nombre de projets d’investissements et qui se retrouvent aujourd’hui malmenées si ce n’est compromises.