Alors que les menaces d’un relèvement des prélèvements obligatoires sur les entreprises se précisent, les résultats du 15e Baromètre Palatine-METI du financement des ETI témoignent d’une situation nettement dégradée en ce début d’année. Si l’incertitude politique est nocive pour les décisions d’investissements et de recrutements des ETI, la multiplication de mesures à rebours du redressement compétitif dans le cadre de l’exercice budgétaire pourrait - si elle était confirmée - porter le coup de grâce à la dynamique de reconquête industrielle, de création d’emplois et de montée en gamme initiée depuis une dizaine d’année. Déjà, la version du PLF en passe d’être adoptée confirme une baisse très significative du soutien à l’apprentissage, une hausse du versement mobilité, une surtaxe d’IS qui touchera plusieurs centaines d’ETI en raison des modalités de calcul (comptes non consolidés). De telles mesures vont percuter d’autant plus fort les ETI dont le nœud de contraintes s’est considérablement resserré ces derniers mois. Avec des conséquences en cascade sur l’emploi, l’investissement, l’innovation, la transformation... et les finances publiques.
1. L’activité reste à la peine, les perspectives en berne
L’année 2024 s’est achevée par des résultats en berne pour près de la moitié des ETI : 44% affichent en effet un chiffre d’affaires en dégradation sur l’année. La tendance est encore plus marquée pour la rentabilité, avec plus de 47% qui l’ont vue se dégrader en l’espace d’un an. La morosité est de mise à l’échelle sectorielle, plus d’1 dirigeant sur 2 estimant que la situation de son secteur d’activité est plus mauvaise qu’il y a douze mois, même si se manifeste un léger regain par rapport à la précédente édition du Baromètre, en octobre 2024 (près de 68%). Les perspectives ne sont guère encourageantes : seules 16% des ETI témoignent d’un carnet de commande plus rempli qu’en janvier 2024 et une majorité de dirigeants (54,6%) sont inquiets pour les perspectives de leur entreprise pour le T1 2025.
2. Une santé financière qui fait de la résistance sans être florissante
Un petit sursaut peut être observé s’agissant de la trésorerie : près de 3 ETI sur 10 font en effet état d’une amélioration sur un an (vs. 15% en octobre). Idem pour l’endettement, même si l’amélioration est ici encore plus ténue : 18% des ETI ont connu une dégradation de leur endettement net total sur un an, elles étaient 25% à connaître la même situation en octobre. La grande majorité des ETI ne rencontrent aucune difficulté à rembourser leurs différents financements, mais la part de celles qui redoutent d’en rencontrer prochainement est à la hausse (13% vs. 10%). Elles sont encore près de la moitié à juger les ratios financiers compliqués à tenir voire intenables. Toutefois, dans la plupart des cas les ETI obtiennent le soutien de leurs partenaires de financement : plus de 85% voient leurs demandes acceptées. Elles ne sont en revanche plus qu’1/4 à estimer que la baisse des taux d'intérêt pourrait libérer leurs projets d’investissements (vs. 4 sur 10 en octobre).
3. Un contexte politique et budgétaire qui pèse très lourd sur les projets de croissance
Si les coûts de production – et en premier lieu desquels, la hausse de la masse salariale, dont attestent 100% des ETI – affectent toujours l’activité de 83% des ETI et la rentabilité de plus de 96% d’entre elles, le contexte politique et budgétaire français a un impact très marqué sur les projets de croissance des ETI. Dans cette situation grippée, les décisions d’investissements et de recrutements en France sont en effet remises en cause pour 6 ETI sur 10. Dans le détail :
- 1 ETI sur 5 a suspendu, en tout ou partie, ses investissements en France ; 3 sur 10 ont réduit l’enveloppe allouée, 11% les ont réorientés vers d’autres pays ;
- 1 ETI sur 3 a réduit les recrutements envisagés et/ou l’enveloppe allouée ; 1 sur 4 les a suspendus ou se limite au remplacement des postes existants ; seules 4 sur 10 n’ont rien changé à leurs décisions de recrutements en France.
Sans surprise, les projets de croissance organique et externe, même s’ils sont toujours d’actualité pour plus de 6 ETI sur 10 dans le cas de la croissance organique et près d’1 ETI sur 2 dans le cas de la croissance externe, sont assortis d’enveloppes et de créations d’emplois en net repli par rapport à la précédente édition du Baromètre.
A noter enfin, l’essor de l’apprentissage devrait faire les frais de la réduction de l’aide au recrutement d’apprentis : près d’1 ETI sur 2 a déjà réduit ou va devoir réduire son nombre d’apprentis. Parmi elles, la baisse serait de 35% en moyenne.
Analyse de Frédéric Coirier, PDG du groupe Poujoulat et co-président du METI :
Nous aurions souhaité inaugurer l’année avec de meilleures perspectives pour les ETI. La dégradation marquée dont témoignait le Baromètre réalisé en octobre est aujourd’hui confirmée, même s’il convient de noter qu’elle ne s’est pas non plus aggravée en dépit de l’accumulation d’éléments adverses, tant à l’échelle nationale que sur la scène mondiale. C’est une preuve supplémentaire de la persévérance des ETI, qui ne veulent pas lâcher prise face aux crises. Le nombre de projets de croissance traduit ainsi l’envie de ne pas céder de terrain dans un contexte international qui pourrait sérieusement se corser. Néanmoins, les enveloppes et les créations d’emplois associées ont subi la douche froide du contexte politique et budgétaire français. Celui-ci a affecté les décisions d’investissements et de recrutements en France de 6 ETI sur 10. Et devrait significativement saper la dynamique de déploiement de l’apprentissage, les ETI se préparant à un surcoût très important du recrutement d’apprentis. Ces résultats démontrent d’ores et déjà le coût, pour l’économie, le pouvoir d’achat, mais aussi le redressement des comptes publics, d’une part de l’instabilité politique, d’autre part d’arbitrages budgétaires fragilisant l’activité.