Philippe d'Ornano, président de Sisley, et Frédéric Coirier, à la tête de Poujoulat, défendent en duo la voix des entreprises de taille intermédiaire, fers de lance de l'économie dans les territoires. Alors que la guerre commerciale fait rage, que le contexte économique ralentit, les deux dirigeants industriels alertent sur l'urgence de mesures de compétitivité. « Il n'y a jamais eu de politique de l'offre en France », dénoncent-ils. Ils pointent du doigt une fiscalité « qui doit se réaligner sur la moyenne européenne, ni plus, ni moins ».
Comment se porte notre tissu entrepreneurial ?
Frédéric Coirier : Entre les « gilets Jaunes », le Covid, la disruption des chaînes d'approvisionnement, l'inflation, le choc énergétique, nous avons connu beaucoup de crises successives face auxquelles nos entreprises ont fait preuve de beaucoup de résilience. En dépit de ce contexte, les entreprises en général et les ETI en particulier ont beaucoup investi, créé de l'emploi et ont développé l'apprentissage. C'est cette résilience qui a expliqué la bonne tenue de l'économie française ces dernières années.
Depuis six mois, nous assistons cependant à une dégradation très sensible qui s'accélère. En 2024, une ETI sur deux a vu son chiffre d'affaires baisser et seulement 16 % d'entre elles affichent un carnet de commandes en progression ce qui veut dire qu'il est en baisse ou stagnant pour 84 % ! Enfin, et c'est inédit, la sinistralité a doublé et deux tiers des ETI ont stoppé ou reporté des investissements. Nous assistons à une dégradation de la conjoncture économique qui est aggravée par l'instabilité politique, les débats parlementaires sur le budget et les tensions géopolitiques et douanières. Or nos entreprises ont besoin de stabilité et de visibilité.
La politique de l'offre défendue par Emmanuel Macron a quand même renforcé nos entreprises ?
Philippe d'Ornano : Il n'y a jamais eu de politique de l'offre en France. Une véritable politique de l'offre consisterait à ce que les entreprises soient fiscalement avantagées en France par rapport à leur environnement, notamment européen. Depuis trente ans nous avons fait l'inverse et profondément dégradé la compétitivité française. Dans une économie ouverte, qui place ses entreprises en concurrence avec le reste du monde, nous nous sommes donc collectivement affaiblis. Nous avons détruit des emplois et perdu des savoir-faire. Ce n'est pas un hasard si nous avons deux fois moins de PME et trois fois moins d'ETI qu'en Allemagne.
Depuis une dizaine d'années, timidement avec le CICE sous François Hollande, plus résolument avec la baisse d'une partie des impôts sur les sociétés et de production sous Emmanuel Macron, nous avons pour la première fois changé de logiciel et réduit d'un cinquième la surtaxation des entreprises qui produisent en France. Mais c'est encore modeste et nous continuons de supporter 140 milliards de taxes de plus que nos voisins. Les seules taxes de production restent sept fois plus élevées qu'en Allemagne et deux fois plus élevées que la moyenne européenne. Et les charges sociales sur les travailleurs qualifiés et les cadres sont à 1,45 en France contre 1,22 en Europe.
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Publiée par Les Échos le 17 avril 2025
Crédit photo : Magali Delporte pour Les Échos