Réforme de l’ISF: on se réveille enfin
En 1980, la France et l’Allemagne comptaient le même nombre d’entreprises de taille intermédiaire et notre industrie n’avait rien à envier à sa voisine d’outre-rhin. Quarante ans plus tard, les ETI allemandes sont trois fois plus nombreuses que les françaises et nous avons détruit près de 2 millions d’emplois industriels alors que les usines du « made in Germany » irriguent les Länder et embauchent à plein régime.
Pourquoi un tel fossé s’est-il creusé ? Parce que, pendant quarante ans, nos politiques publiques et notamment fiscales ont radicalement découragé l’investissement de long terme. Or, pour développer une entreprise de taille intermédiaire, pour construire une marque mondiale, il faut du temps. Du temps pour investir et parfaire nos produits et notre appareil de production ; du temps pour innover et se transformer ; du temps pour partir à la conquête de marchés internationaux. La clé du développement des ETI, c’est l’investissement de long terme, que rend possible des actionnaires individuels – qu’ils soient familiaux, salariés ou extérieurs à l’entreprise – solidement arrimés au projet de l’entreprise, y compris, parfois, sur plusieurs générations.
Tragédie fiscale. Il faut le dire franchement : en taxant la détention de parts d’entreprises, l’ISF a été le pire ennemi de cet actionnariat stable et constant dont dépend le développement de nos entreprises. Celles-ci ont été contraintes de verser des « dividendes pour impôt », se privant ainsi des fonds propres et du capital pour investir, innover, recruter. Sur plusieurs décennies, cette tragédie fiscale a sapé l’esprit de conquête de nos PME et ETI industrielles, en conduisant beaucoup d’entre elles à se vendre, souvent à des entreprises étrangères. Avec comme résultat la perte de savoir-faire industriels, et l’appauvrissement de nos territoires.
C’est un message clair pour encourager la stabilité de nos actionnariats qui pourront envisager plus sereinement les importants investissements qu’appellent la montée en gamme et la transformation digitale de notre tissu industriel
C’est un message clair pour encourager la stabilité de nos actionnariats qui pourront envisager plus sereinement les importants investissements qu’appellent la montée en gamme et la transformation digitale de notre tissu industriel. C’est aussi un signal fort pour réorienter l’épargne des Français – la seconde au monde ! – vers leurs entreprises sans lesquelles aucune réponse durable au chômage de masse n’est possible.
Enfin, c’est une première étape, pragmatique et de bon sens, pour remettre la France et son économie dans les clous de la compétitivité européenne. Certes, l’écart reste considérable puisque notre pays taxe à 50% de plus ses entreprises que ne le font, en moyenne, ses voisins européens. Là encore, le gouvernement en est conscient. C’est pourquoi, nous appelons à un véritable « ETI Act » qui permettra à la France de recréer le fameux Mittelstand qui lui fait tant défaut aujourd’hui. Les cinq années à venir sont décisives pour relancer notre base industrielle et de services et l’allier à l’innovation de nos startups. C’est tout l’avenir du « produire en France » qui se joue.
Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley, et Frédéric Coirier, président du directoire de Poujoulat, sont coprésidents du METI.
Publie par L’Opinion le 29 septembre 2017